La cathédrale Saint-Etienne

Sans cesse remaniée depuis le XIIIème siècle, la cathédrale Saint-Etienne pourrait être surnommée « la cathédrale inachevée ».

C'est comme si les évêques de Toulouse, toujours insatisfaits, toujours trop ambitieux, et jamais assez en fonds, avaient vainement cherché à rivaliser avec la basilique Saint-Sernin ou le couvent des Jacobins, sans parvenir à approcher l'harmonieux équilibre de l'une ni l'audace architecturale de l'autre.

Une telle diversité de style dans un même édifice n'est pas commune. Son choeur est plus large et nettement plus haut que sa nef plus ancienne, et décalé qui plus est, de sorte que l'allée centrale est en ligne brisée. Quant au clocher du XVIème siècle, il est tellement atypique qu'on se demande ce qui l'a inspiré.

C'est que son allure peu conventionnelle, la cathédrale Saint-Etienne la doit à la rencontre de deux types d'architecture gothique témoins d'un XIIIème siècle mouvementé et d'une importance fondamentale pour Toulouse et sa région.

C'est sous l'impulsion de l'évêque Foulques que la cathédrale est rebâtie entre 1210 et 1220 sur l'emplacement de la cathédrale romane de l'évêque Isarn. Foulques est cistercien, et dans ces terres troublées par la croisade lancée en 1208 contre les "albigeois", il est pleinement impliqué dans la lutte contre ce que Rome appelle « l'hérésie cathare ». Sous l'influence des cisterciens se développe sur ce chantier, pour la première fois, un art empreint de rigueur et d'austérité conforme aux préceptes de la règle de Saint Bernard : le gothique languedocien (aussi appelé gothique méridional, gothique toulousain, ou style tolosano-albigeois).

Cette cathédrale de Foulques est donc un bâtiment novateur où se mêlent influences méridionales et architecture de l'ordre de Cîteaux, conçu pour délivrer à la population un message d'othodoxie. Elle est un prototype dont découleront par la suite les recherches architecturales menées dans les couvents mendiants de la ville qui méneront à l'épanouissement du gothique languedocien tel qu'on peut le voir au couvent des Jacobins où à la cathédrale d'Albi.

En 1271 la lignée des comtes de Toulouse s'éteint, la ville rejoint le giron royal. A l'est de l'église de Foulques est alors édifié un immense choeur de style gothique rayonnant d'Île-de-France. Cette nouvelle cathédrale commence à grignoter sur l'espace occupé par celle de Foulque. Le but est de la remplacer tout à fait, mais les travaux sont assez vite interrompus pour des raisons que je vous narrerai plus loin, de sorte que la cathédrale actuelle est le produit de la coexistence de ces deux styles gothiques juxtaposés, reflétant ainsi dans l'architecture l'histoire de ce XIIIème siècle où s'est joué le destin de la Toulouse médiévale.


Saint-Etienne
© Bing maps

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Derrière le portail ouest se trouve la nef dite raymondine, constituant ce qu'il reste de la cathédrale de Foulques. Présentée parfois comme une nef romane (ses arcs brisés très peu prononcés peuvent induire en erreur, et elle reprend certains éléments des murs de la cathédrale romane qui l'a précédée), cette nef signe en fait l'acte de naissance du gothique languedocien au tout début du XIIIème siècle. Et bien que la nef puisse maintenant paraître modeste, surtout par comparaison avec le choeur bâti à la fin du même siècle, ses voûtes étaient cependant probablement les plus amples d'Europe occidentale à leur achèvement. Leur portée de 19 mètres couvre l'espace occupé auparavant par les 3 nefs romanes de l'évêque Isarn.

Derrière elle se trouve donc le choeur gothique conçu pour être beaucoup plus haut, dont la construction commença peu après le rattachement du comté de Toulouse à la couronne de France, vers 1271. Ainsi les évêques de Toulouse ambitionnaient-ils de bâtir une cathédrale équivalente aux plus grandes cathédrales de l'époque : celles de Reims ou d'Amiens, dans le style gothique de l'Île-de-France. En commençant par le choeur, les bâtisseurs avaient prévu de détruire au fur et à mesure de l'avancement des travaux la nef raymondine plus ancienne.

Mais patatras, voilà qu'en 1295 le pape décide de diviser en deux le vaste évêché de Toulouse en créant celui de Pamiers, il semble qu'il ait alors considéré que l'évêque de Toulouse avait un trop vaste territoire pour l'administrer efficacement et que cela avait été une des causes du succès rencontré par l'hérésie cathare dans la région. Deux décennies plus tard, le pape Jean XXII fragmente à nouveau les grands diocèses du sud de la France : premier pape d'Avignon, il avait besoin de nouveaux sièges épiscopaux à distribuer comme récompense à ses soutiens. Furent ainsi créés les diocèses de Lavaur, Lombez, Mirepoix, Montauban, Rieux et Saint-Papoul. Cette nouvelle perte pour le diocèse de Toulouse fut symboliquement compensée par son élévation au rang d'archidiocèse (archevêché), mais la perte financière fut pour sa part irréparable, d'autant que la concurrence des ordres mendiants pour la captation des dons et des legs se faisait féroce.

Et en effet n'ayant dès lors plus les ressources financières suffisantes pour poursuivre leur projet, les évêques successifs de Toulouse durent revoir à la baisse leurs ambitions. Le grand choeur gothique fut raccordé tant bien que mal à la vieille nef raymondine, laquelle n'était pas dans le même axe, ce qui nous vaut cet étrange "coude" au beau milieu de la cathédrale.

D'un point de vue historique on ne regrettera pas cette interruption des travaux, car elle nous vaut d'avoir pu conserver ce témoignage de la naissance du gothique languedocien.

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Au plafond de la nef raymondine, cette clé d'arc est la toute première représentation sculptée de la croix des comtes de Toulouse (début XIIIème siècle) :
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La chaire à prêcher située dans la nef raymondine est intéressante à plus d'un titre. Datant de 1842, elle est un exemple du travail d'Auguste Virebent sur lequel nous nous attarderons dans la rubrique "Les décors en terre cuite". Cette composition en marbre et terre cuite reproduit quelques décors fameux : d'abord les atlantes de l'hôtel de ville de Toulon dus au ciseau de Pierre Puget (1651), puis la cuve des vertus du tombeau d'Armand de Gontaut à Biron (XVIème siècle), enfin sur le cul-de-lampe un décor d'une tourelle de l'hôtel de Felzin de Toulouse :
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La cathédrale possède de magnifiques stalles en bois du début du 17ème siècle qui ont servi de modèle dans tout le Midi de la France :
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La cathédrale possède une trentaine de riches tapisseries du XVIIème siècle relatant la vie de saint Etienne avec force détails colorés, pour des raisons de conservation elles ne sont malheureusement pas souvent exposées :
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Le très beau et monumental retable figurant la lapidation de Saint Etienne est l'oeuvre du sculpteur Gervais Drouet (1667 à 1670) :
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Dans le style du gothique d'Île-de-France, les puissants contreforts furent dimensionnés pour contrebuter une voûte de plus de 40 mètres de hauteur. Pour les raisons que l'on a vues cette hauteur ne put jamais être atteinte (elle est de 28 mètres) :
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