L'hôtel du Vieux-Raisin a l'un des plus riches décors sculptés des hôtels particuliers de la ville. Réalisé en deux phases, l'une au début du XVIème siècle et l'autre à la fin, il présente de très beaux exemples de ce que fut la sculpture Renaissance à Toulouse à ces deux périodes éloignées d'une soixantaine d'années.
36 rue du Languedoc, aussi connu sous les noms d'hôtel Béringuier Maynier, hôtel de Lasbordes, hôtel Jean de Burnet, hôtel de Lancrau.
Edifié de 1515 à 1527 par un capitoul, Bérenger (Béringuier) Maynier, l'hôtel a ensuite connu une deuxième phase de construction par le propriétaire Pierre de Lancrau, évêque de Lombez, sous la direction de l'architecte Pierre Souffron (de 1580 à 1584 pour les ailes et vers 1590-1591 pour le porche). L'historiographie toulousaine a longtemps attribué cette deuxième phase de travaux au parlementaire Jean de Burnet (propriétaire de 1547 à 1577), à tort semble-t-il d'après les dernières recherches, ce qui sur ce site m'avait initialement conduit à classer cet hôtel parmi ceux des parlementaires.
La décoration à la fois délicate et puissante de son foisonnant décor sculpté mérite qu'on y regarde de près.
De part et d'autre de la façade centrale sur cour (refaite), les deux tours à escalier et la première travée de l'aile gauche ont été construites en premier, à partir de 1515 par le capitoul et professeur de droit Béringuier Maynier. On y retrouve l'art de la première Renaissance en France, inspirée du Val de Loire.
Au-dessus de la porte de la tour se lit la devise : VIVITUR INGENIO CETERA MORTIS ERUNT, « On vit par l'esprit, tout le reste appartient à la mort ».
On doit le prolongement des façades latérales et l'édification du porche au propriétaire Pierre de Lancrau, de 1580 à 1591. Ici c'est notamment l'ordre cariatide qui est à l'honneur avec de superbes sculptures.
Voici donc des photos des deux ailes latérales :
De tous ces superbes décors, voici mon préféré : j'adore le contraste très Renaissance entre le réalisme du visage et du cou de cette vieille femme et ses épaules de déménageur.
Le sculpteur a obligeamment fourni des coussins à ces atlantes pour rendre leur sort plus confortable...
Admirez le jeu de la brique taillée et de la pierre sculptée pour le décor :
Cette façon de disposer le décor dans des cartouches de "cuir découpé" (la sculpture rappelle par sa forme un morceau de cuir découpé et enroulé) fut utilisée pour la première fois au château de Fontainebleau.
Cette Vénus langoureuse fut un motif largement copié au XIXème siècle par les frères Virebent pour leurs décors en terre cuite (peut-être même un peu trop, l'original a l'air désormais plus abîmé que les copies !)
Dans la galerie qui jouxte le porche, des décors peu visibles, sombres et parfois abîmés n'ont pas été ravalés avec le reste. On y devine pourtant de beaux morceaux attendant une remise en valeur :
Décor difficile à discerner représentant Mars couronné par la Victoire :
Décor représentant Apollon attirant les animaux (ou Orphée, selon la source) :
Grâce à ce décor bien caché vieux de plus de quatre siècles, on peut savoir que la licorne toulousaine avait tout au plus la taille d'un caniche !
Photos des façades extérieures :
La frise au-dessus du portail a été copiée à plusieurs reprises au XIXème siècle :